La perpétuelle lutte
contre la réalité
Le mythe de Narcisse
Le mythe de Narcisse est l’histoire d’un très beau jeune homme qui ne trouvait pas l’amour parce qu’il ne rencontrait personne qu’il considérait à la hauteur : au final, il aboutissait toujours au rejet de l’autre. Un jour pourtant, il voit sa réflexion dans la rivière, et il tombe alors amoureux de lui-même. Il se trouve tellement intéressant qu’on le voit consacrer tout son temps à se regarder dans l’eau, au point où il n’arrive plus à lever la tête de l’eau pour s’interesser à la réalité, pour s’interesser à l’autre.

Vision du monde
Au niveau psychologique, le mythe de Narcisse correspond à un schéma de pensée projectif, à une représentation de la réalité où l’on projette ses définitions et ses perspectives sur la réalité, au mépris de ce qu’elle est. Tout comme le Narcisse mythologique ne pouvait voir autre chose que le reflet de lui-même, attaché à ses perspectives et certain de son discernement, le narcissisme mène à penser que la réalité est le reflet de ce qu’on croit qu’elle est. À penser que « Ça, c’est ça » alors que la réalité est tout autre.
On projette ainsi sur l’autre un de ses stéréotypes d’esprit, un préjugé. « Alors, lui… c’est quoi ? Ah oui… lui, je vois le genre. » On peut par exemple projeter une origine « Il vient de là-bas, donc c’est un… » Ou bien une profession, une religion « Lui, c’est quoi son métier, sa religion ? Lui c’est un … » Ou encore un trait de caractère « Lui ? C’est un hurluberlu, un roquet, un plouc » et
« L’autre là ? C’est juuuuste un… » La projection vise à nier la singularité de l’autre, à le réduire à « Ça ».
Penser est difficile, c’est pourquoi la plupart se font juges.
Carl Jung
L’intelligence permet de comprendre la compléxité. Le respect permet de comprendre la singularité, dans la circonstance. L’intelligence permet de connaître, le respect permet de reconnaître.
La bataille de l’estime de soi
L’enfant grandit se demandant quand il sera grand, puis, adulte, il n’y pense plus. Une personne avec une bonne estime
de soi non plus ne pense pas à sa propre estime. Une bonne estime de soi mène à la confiance en soi, à vivre sans tournoiements identitaires ou questionnements existentiels, et permet alors de reconnaître la réalité sans ressentir d’atteinte à son ego.
Au contraire, le narcissisme déclenche des mécanismes inconscients de défense de l’estime de soi. Une faible estime de soi mène inconsicement à penser que l’on n’est pas soi-même à la hauteur, à se sentir inférieur, à ressentir le malaise
de ne pas savoir comment être. Sans s’exprimer de manière consciente, cela se remarque aux mécanismes compensatoires qui mènent à considérer que la réalité non plus n’est pas à la hauteur, que l’autre non plus n’est pas à la hauteur, que rien n’est à la hauteur, que rien ne mérite le respect parce que « Ça, c’est ça », alors que la réalité est tout autre.
Pour compenser, cela revient à considérer que la réalité n’est pas non plus, que l’autre non plus n’est pas à la hauteur,
, parce que reconnaître le
bon, le bien, le grand, le petit, le possible est perçu commen un aveu de faiblesse.
Recherche de la faille, idéalisation, dévaluation, rejet.
Toute la problématique vient Le narcissisme mène ainsi à une distortion de la réalité non par défaillance de raisonnement, mais par manque de respect. Par egoïsme, la considération de la réalité est alors fonction de son ressenti ou de son intérêt.
Au lieu d’observer pour comprendre la réalité, le narcissisme mène à la mépriser, à projeter ce qui est dans son esprit sur la réalité de sorte qu’on n'arrive plus à la respecter telle qu’elle est, non par défaillance de raisonnement mais par défaillance de vision, et d’être, en plus, sûr d’avoir raison. Ainsi, on n'arrive plus à voir la beauté du monde, à reconnaître les potentiels, les opportunités, les dangers, les tendances, les changements, les solutions, ni le bien et le mal dans ce qu’on fait. Par manque d’empathie, on n’arrive pas à reconnaître les besoins, les droits, la vertu, l’honneur, l’ambition et la réussite de l’autre, tout comme on voudrait qu’ils soient d’ailleurs reconnus pour soi-même. Le narcissisme, c’est la supériorité par manque de respect, par rejet de l’autre, par rejet de la réalité, ce qui mène alors à l’aveuglement dans la circonstance. Lorsque ça compte, par mépris ou par déni, ça ne percute pas : pas compris qu’on n’a pas compris.
au point où l’on n’arrive plus à la reconnaître telle qu’elle est, au point où, dans la circonstance, par intérêt d’ego, on n’arrive plus à respecter d’autres perspectives que les siennes.
mépris déni jalousie
le malaise de ne pas savoir comment être, augmenter son paraître
Vivre avec les autres
Les dénis d’aujourd’hui deviennent les regrets de demain.
Sylvain Courcoux
Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal.
Esaïe 5:20

